Comment concilier l'envie
de changement dans un monde en crise et le sentiment de sécurité
qui se rapporte à la stabilité ? Est-il rationnel de vouloir
bouleverser le désordre actuel pour imposer un ordre futur ? La
réponse est-elle dans l'ordre ou le désordre ? Notre conception de
ce qui est bien et juste repose depuis la nuit des temps sur l'idée
de perfection, de mouvement, et d'infini. Si le bien est harmonie,
comment comprendre celle-ci ? L'équilibre des forces régnant dans
ce monde suppose-t-il un mouvement ou non ? La tradition taoïste nous
apprend à connaître ces nombreux changements regroupés et
explicités dans le Livre des mutations.
Mais vouloir immortaliser ces changements n'est-il pas illusoire ?
Nous savons pertinemment que le mouvement nous attire en même temps
qu'il nous effraie. Le changement exprime la vie, la progression tout
comme il mène indubitablement à la mort. L'ordre doit-il être hors
du changement ? Cette question trouve une première réponse (à
discuter) quand les préjugés associent volontiers le mouvement au
désordre. Le chaos est un autre point de vue. Il est ce concept
d'ordre mouvant. Imperceptible, difficilement descriptible il est
pourtant non seulement présent mais bel et bien au cœur de notre
monde.
"Le
changement c'est maintenant".
Une telle affirmation soulève plusieurs questions. Qu'est-il supposé
dans ces quelques mots ? La mise en mouvement d'un état (et d'un État) jusque là immobile ? Non, le changement est dans la manière
de se mouvoir. Le mouvement est constant et incontrôlable. La
confiance en une telle promesse est évidente. Le changement est
permanent. Héraclite l'avait dit on ne se baigne jamais
deux fois dans la même rivière.
Cette phrase est en soi vide de sens même si elle tente de porter un
espoir en incarnant une portée plus psychologique qu'idéologique.
L'idéal politique de paix et de bonheur universel n'a encore pas
trouvé de réponses, tout ce que nous pouvons faire c'est proposer
de nouvelles idées. Ainsi fonctionne la politique actuelle : un
combat permanent entre deux forces majeures antagonistes. On peut
appeler ça un équilibre ou une harmonie, certains l'appelleront même
démocratie mais cette lutte constante est nourrie par le chaos
lui-même. L'absence de vérité absolue, l'absence de repères
éternels. Il n'existe pas de grand horloger pas plus que notre monde
n'est parfait. Il n'existe pas plus de finalité dans le monde plus
que dans les choses. Mais ceci ne nous empêche pas de continuer
d'exister et de donner un sens à ce que nous faisons en choisissant
par nous mêmes nos comportements. Il existe des lois mathématiques,
physiques, scientifiques qui permettent de décrire certains
phénomènes. Mais le futur restera toujours un mystère car il son
essence repose sur le changement.
Le
changement c'est l'incertain or nous vivons dans une époque où la
science et le savoir guident nos actes. Il nous faut apprendre à
continuer à vivre rationnellement tout en acceptant les limites de
notre raison. Certaines choses relèvent de la foi, de la croyance et
aucune science ne pourra jamais rien y changer. Nous pouvons
continuer de nous forcer à croire que nous sommes, en tant
qu'humains, des animaux purement rationnels mais nous savons que ce
n'est pas le cas. Nous sommes soumis à nos peurs. Quand la peur de
la mort terrasse la peur du changement naissent des révolutions. Le
véritable changement peut alors avoir lieu. Mais attendre un
changement à l'intérieur d'un mouvement rectiligne n'est qu'une
illusion rhétorique. Autant affirmer que demain sera un autre jour.
A la
place de la peur il faut laisser grandir la confiance que nous devons
avoir dans le chaos. Si nous regardons bien nous pouvons facilement
voir la capacité qu'a le monde à s'organiser de lui-même, ce n'est
peut-être pas dans sa finalité mais c'est dans son intérêt. Cette
confiance doit être la base de nos décisions dès aujourd'hui. Tout
le monde se plaît à décrire notre situation comme chaotique sans
vraiment l'assumer. Ce n'est qu'une fois cette prise de conscience
effective que nous pourrons diriger une révolution des pensées et
des actes en plaçant le lâcher-prise et l'intuition au centre de
nos philosophies, éthiques et politiques.